Guérir de l'anorexie, un long chemin

Je suis particulièrement investie et intéressée par les troubles liés aux addictions comportementales, notamment aux troubles du comportement alimentaire et à la maladie alcoolique.
J'envisage de suivre une formation interuniversitaire à la faculté de médecine de Nantes un DIU "Addictions et sociètés" pour janvier 2012 si je n'occupe pas de poste d'animatrice fixe.
Ayant moi même été victime de différents troubles de cet ordre et plus particulièrement de l'anorexie,  je rédige actuellement un ouvrage sur mon rétablissement et sur les outils qui me permettent chaque jour de dépasser mes angoisses et de transcender cette maladie très prégnante chez moi.


Avril 2011
Cette pathologie m'a touché à l'âge de 18 ans en pleine adolescence comme dans la plupart des cas. On constate actuellement que l'âge du début de cette pathologie décroît. J'ai d'abord été soigné à la manière forte : une hospitalisation de 2 mois au service endocrinologie du CHU de Angers en contrat de poids et complètement isolée sans possibilités de sortie. Malgré la dureté de cette expérience, les contraintes strictes m'auront permises de me libèrer des rituels que je m'imposais pour hypercontrôler mon corps.
Cette hospitalisation aura été très bénéfique pour moi car j'ai pu me retrouver seule avec moi-même et j'ai pu devenir une femme en 2 mois avec toutes les émotions et les tourments que cette transformation engendre. J'y ai retrouvé mes rires et mes larmes aussi. Oui je me suis vidée et j'ai du épuiser tout le stock de mouchoirs, j'ai pleuré comme une enfant que l'on sevrait. J'ai pu combattre cette obsession jusqu'au bout de la nuit et j'ai vraiment ressenti la paix en moi sans "cette saloperie". J'ai également vécu ce temps comme une cure psychanalytique car à l'époque j'étais suivie par un psychiatre psychanalyste et le travail a été très productif. Au fur et à mesure que je mangeais, je débloquais des émotions, des états que je masquais au travers le symptôme. Ce fut donc un isolement qui correspondait tout à fait à mon état anorexique du moment. La sortie fut plus difficile puisque je suis retournée chez mes parents et qu'aucun travail n'avait été mené avec eux et comme nous n'avons pas entamé de thérapie familiale, j'ai rapidement retrouvé mes comportements d'anorexique d'auparavant. J'ai donc combattue seule en portant également la responsabilité des autres membres de ma famille. Puisque c'était moi qui avait un problème, c'était moi qui devais changer et pas les autres. Quelle erreur et quelle injustice !

Plus tard, je découvre l'unité des addictions du professeur Venisse à l'hôpital St Jacques de Nantes. Une structure exemplaire par les soins prodigués et l'équipe qui oeuvre dans cette unité. J'irais en hospitalisation de jour et également en hospitalisation à plein temps.
La thérapie repose sur 4 axes : le comportement alimentaire, le plan relationnel, les médiations corporelles et le travail psychologique. Ce sont véritablement sur ces 4 aspects que l'on peut soigner une malade anorexique, boulimique, alcoolique,...Et c'est à mettre en oeuvre après les hospitalisations.
En ce qui me concerne, le chemin a été long. J'ai connu l'anorexie, la boulimie, l'alcool...Et je suis actuellement sortie de ces trois dépendances avec néanmoins d'autres symptômes embarassants mais moins dangereux tels que l'angoisse, l'agoraphobie, la claustrophobie (de vraies comédies en quelque sorte).
Durant ce parcours de vie, j'ai rencontré davantage que des spécialistes, j'ai rencontré des humains. Les différentes psychologues de l'hôpital St Jacques de Nantes ont été des personnes référentes pour moi, tant sur le plan de leur compréhension que sur leur fonction de soutien. J'ai pu également me faire des amies au sein de cette structure : je me rappelle encore de laëtitia, une patiente boulimique avec qui nous avons tellement ri de nos propres crises frénétique de boulimie dans les supermarchés. Ou bien de cet apéritif en douce avec une petite bouteille de bordeaux que nous avions organisé au sein de l'hôpital même dans ma chambre sans le consentement des infirmières puisque cela était interdit. Je me souviens aussi de Natacha et de ces histoires d'amour avec les femmes et notamment les soignantes de l'hôpital. Natacha était boulimique, elle se goinfrait puis se faisait vomir. Elle ravalait toute sa souffrance puis elle la rejetait en se purgeant. Elle avait tellement manqué d'affection plus jeune. Ce n'est que de l'amour et de la protection qu'elle recherchait au travers de sa pathologie. Elle est devenue une amie pendant quelque temps et je l'ai croisé au détour d'une rue nantaise en 2010. Pas encore complétement guérie ! Pour ma part j'ai aussi connu la boulimie avec des crises alcoolisées et des vomissements. Moi aussi je ravalais mon incapacité à demander de l'affection, ma difficulté à accepter les frustrations et les manques telle une petite fille caractérielle. Car oui je suis comme une petite fille capricieuse, une impatiente qui veut tout et tout de suite. Ais je été élévé comme une princesse ? Oui un peu. Et puis avec cette pathologie, nous sollicitons l'attention de nos parents qui du coup deviennent surprotecteur si ils ne le sont pas auparavant. Dans mes rencontres avec les soignants, l'une d'elle a été très importante : c'est la rencontre avec le Docteur C.R, une psychiatre d'Angers. J'ai vraiment eu le sentiment de la choisir et physiquement je pouvais m'identifier à elle. Je la trouvais jolie et tellement compréhensive. Elle était à la fois la mère idéale que je recherchais, la soeur à qui j'aurais pu confier tous mes soucis, l'amie avec qui j'aurai ri et pleuré. A la fin cette relation était devenue une dépendance et nous tournions en rond, c'est pourquoi, j'ai décidé d'arrêter le suivi même si cela fut dur et le reste encore parfois. Ce fut une réelle histoire d'amour, une relation fusionnelle entre elle et moi. C'est ce qui m'aura permis de grandir, de m'élever, de me responsabiliser. Elle m'aura appris beaucoup. Néanmoins, j'attendais d'elle davantage de réaction surtout lors d'une grave rechute dont j'ai été victime.


Septembre 2009
C'est à 35 ans en août 2009, que je suis descendue à 33 kg pour 1m70, j'ai choisi d'être réhospitalisée au service endocrinologie du CHU de Angers. En effet, cette fois ci je n'avais pas le choix concernant la structure qui pouvait m'accueillir puisque mon état était très grave avec un pronostic vital en jeu. J'y suis restée un peu plus de 2 mois en septembre et octobre 2009 et j'ai été très bien soignée sur le plan médical et psychologique mais malheureusement moins sur les 2 autres plans que j'ai cité précedemment à savoir : les médiations corporelles et la dimension sociale. Néanmoins le contrat thérapeutique a été moins stricte que lors de ma première hospitalisation car je pouvais voir 3 personnes de mon entourage de mon choix à raison de 1 heure par jour. De plus le contrat de poids était pour moi vital et il a été salvateur. Je réclamais réellement des contraintes très strictes pour m'aider à changer mon comportement alimentaire et revivre normalement en remangeant normalement. De toutes les façons je n'avais pas le choix et heureusement car j'étais en danger vital. Ce cadre rigoureux avec des spécialistes à la hauteur de cette pathologie aura été un premier pas vers la reconstruction de mon corps dont je n'imaginais pas la gravité des carences qu'avait provoqué cette maladie : les protéines du foie étaient atteintes car mon organisme puisait dans les seules ressources qu'il lui restait. J'ai du également accepter la sonde pour accélerer la reconstruction protéinique au niveau des différents organes atteints. Finalement quand j'y repense cela n'était pas si terrible que cela car l'équipe médicale était vraiment très bien et à l'écoute. Je suis donc sortie au poids de 41 kg et j'ai poursuivi mon rétablissement. En 2 ans j'ai repris 11 kg et je pèse actuellement 52 kg.
Mon image corporelle a changé et ce n'est pas si simple que cela à accepter. Je suis très angoissée et j'ai peur que cette reprise ne s'arrête pas et que je devienne obèse. De plus il faut lâcher mon ancienne image ce qui constituait mon identité en quelque sorte : un corps maigre. J'y étais attachée et je parlais au travers ce corps de petite fille. Je réclamais de la protection et de l'affection sans pouvoir le formuler à ceux que j'aime le plus au monde et qui m'entourent : mes parents, mon ami, mon frère et mes amis. Maintenant je dois apprendre à parler, à pleurer au lieu d'utiliser mon corps pour m'exprimer. Cela n'est vraiment pas facile et très angoissant. Je dois travailler là dessus désormais. Je précise également que le sport est important pour moi et qu'il me permet de mieux accepter mon corps et ma gourmandise car oui je suis une gourmande qui s'ignorait. Et oui j'adore le chocolat et j'en prends tous les soirs. C'est mon petit réconfortant de la journée.
Je souhaiterais intégrer à Angers une équipe de recherches sur ces troubles et je cherches les bons interlocuteurs. Je sais qu'il existe au CHU un pôle qui travaille sur la maladie alcoolique, les drogues dures, le tabac en lien avec une association également très active dans ce champ d'action : l'ADAMEL. Mais sur le plan des troubles alimentaires, je ne connais pour le moment ni association, ni pôle de recherches.
Si vous connaissez des groupes, des associations dans cette dynamique sur Angers, j'attends vos pistes...

J'ai dans l'idée de proposer des ateliers théâtre à des personnes souffrant de ces différents troubles, pour leur permettre d'accepter leur corps qu'il soit en souffrance ou pas. C'est une démarche complexe puisque j'ai moi même été victime de ces troubles et que je risque de faire des projections quant aux solutions à adopter. Néanmoins, je pense que le théâtre peut être un réel outil de médiation corporelle pour aider à soigner les différentes personnes atteintes de ces dépendances.
Au travers le jeu ludique, le jeu comique et le travail de clown, le théâtre apprend à être "beau" dans sa différence. En faisant rire les autres, on découvre en soi des ressources que nous n'avions peut être jamais imaginé. En se costumant avec des habits chics et en intèrprétant le rôle d'une jeune fille séduisante, on apprend à se vêtir différemment et à adopter un autre style.

Des techniques qui permettent d'être réutiliser dans la vie de tous les jours,
 pour être libre d'être soi, enfin !